jeudi 8 juin 2017

Nafir, graffeur à Téhéran

Sur le site de Courrier international.


Le graffeur iranien Nafir (“ la voix assourdissante”, en persan) travaille depuis 2008 sur les murs de Téhéran, mais aussi sur ceux d’autres pays, dont l’Afghanistan, la Malaisie, l’Inde, l’Italie et l’Allemagne.

Par ses œuvres, maniant poésie et engagement politique, il réagit avant tout à l’actualité.

Dernièrement, il a peint à Téhéran l’ombre d’un homme sur lequel est écrit “Iran” et qui est en train de faire un doigt d’honneur à Donald Trump. Il commentait ainsi le “Muslim Ban”, surnom donné au décret anti-immigration signé par le président américain. 

Dans sa seconde mouture, contestée en justice, le texte interdit l’accès aux États-Unis des citoyens de six pays majoritairement musulmans, dont l’Iran.

Pourquoi continuer à travailler à Téhéran alors que de vos 500 œuvres réalisées depuis 2008, seulement une ou deux sont restées intactes sur les murs ?

L’Iran, c’est l’endroit le plus pur pour le graffiti. Ici, le sentiment de lutte souterraine a gardé tout son sens. Lorsque j’explique aux graffeurs d’autres pays que je travaille pour le changement, ils rient. Ici, à Téhéran, il y a sur les murs soit de l’art de propagande dont la mairie est à l’origine, soit notre art à nous, qui est indépendant.

Des graffeurs étrangers viennent-ils en Iran pour travailler ?

Il y en a eu quelques-uns venus par exemple de France et de Belgique. Mais puisque en Iran, il faut vraiment travailler de manière “underground” et qu’ils n’étaient pas habitués à cela, ils n’ont pas réussi à créer des œuvres remarquables.


Ces dernières années, avez-vous senti un changement dans la façon dont vos œuvres étaient reçues par le public ?

Avant, les gens réagissaient aux clichés de mes œuvres politiques que je publiais sur Facebook (bloqué en Iran mais accessible par des logiciels anti-filtrage). Puis, au fil des ans, les Iraniens sont devenus moins politiques et ont montré moins d’intérêt pour mes œuvres.

C’est comme si le pouvoir, en laissant accessibles Telegram [une application de messagerie sécurisée] et Instagram, avait poussé délibérément les gens à s’inquiéter de moins en moins de politique et à passer leur temps à regarder des choses légères et divertissantes, jamais sérieuses. 

Mais cela ne m’empêche pas de travailler. Dès le début, je pensais l’échec évident. Or, dans toute circonstance, il faut résister.

Propos recueillis par Courrier International

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