jeudi 5 janvier 2017

La résistance par le dessin

Fabien Deglise sur le site du Devoir.

Dessin de Gayle Kabaker

Nadja Spiegelman et Françoise Mouly orchestrent une publication subversive pour le jour de l’assermentation de Donald Trump comme président des États-Unis.

À l’approche du jour de l’assermentation du 45e président des États-Unis, l’auteure américaine de récits pour la jeunesse Nadja Spiegelman et sa mère Françoise Mouly, directrice artistique du magazine New Yorker, ont décidé d’organiser la riposte en opposant la force de l’illustration à la bêtise et à la vulgarité du président désigné.

Comment ? Avec Resist !, un fanzine atypique dont elles orchestrent dans l’urgence la fabrication depuis quelques jours. Des voix principalement féminines — mais pas seulement — portées par le papier pour se faire entendre le jour où l’homme va faire son entrée officielle à la Maison-Blanche.

L’idée est née autour d’une table, celle où Françoise Mouly et Art Spiegelman (célèbre auteur de la série Maus, ce documentaire dense et dessiné qui plonge dans la Shoah et ses déterminants politiques et sociaux) mangent le soir en famille avec leur fille Nadja.

« L’élection de Donald Trump nous a mis à l’envers, résume-t-elle dans un long échange par courriel avec Le Devoir, tout comme l’ascension remarquable de la xénophobie et du nationalisme populiste, autant aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde. Nous nous sommes demandé comment un nouveau langage pourrait exprimer ce sentiment face à ce qui est en train de se passer. Art a dit : “Résister !” Et ça a touché nos cordes sensibles. »

Très vite, le duo entre en contact avec des illustratrices et bédéistes, celles de leur entourage, celles dont elles apprécient le coup de crayon, la tonalité de la critique, pour les inciter à monter dans ce train qui se met doucement en marche. Et l’emballement, par effet de contagion, se fait très vite évident.

L’oppression de l’obscurité

Plus de 1000 oeuvres dessinées leur ont été soumises à ce jour, signées par des plumes aussi variées que l’activiste californienne Sophia Zarders, l’illustratrice Shreya Chopra, la bédéiste Maggie Brennan ou encore la jeune My Ngnoc To, qui dans un récit en huit cases intitulé Le rituel du matin explique que « chaque matin, depuis le jour de l’élection », elle se lève avec l’impression que « des tonnes d’entités oppressantes lui sont tombées dessus pendant la nuit ». L’heure du réveil devient alors un acte de résistance, lorsqu’elle se lève pour désormais les affronter.

« Il y a de plus en plus de choses contre lesquelles résister depuis quelques jours, résument Françoise Mouly et Nadja Spiegelman. La destruction de notre climat, la division dans notre pays le long de la ligne identitaire et ethnique, la propagation de fausses informations, la normalisation d’un président qui tweete des commentaires haineux au milieu de la nuit… Et nous avons l’espoir d’unir le plus de voix possible dans cet acte d’opposition. »

Au total, 30 000 exemplaires de Resist ! doivent être imprimés au début de l’année prochaine, avec la complicité de Smoke Signal, un tabloïd américain versé dans le 9e art et cantonné dans la marge, pour être distribués gratuitement lors des manifestations qui doivent se tenir à Washington en marge de l’assermentation de Donald Trump, le 20 janvier prochain, puis lors de la Marche annuelle des femmes dans la capitale américaine prévue le lendemain. 

« Nous cherchons aussi à mettre en place un réseau fort pour assurer une distribution à travers tout le pays », disent-elles, et ce, pour qu’une fois la voix de cette résistance forgée, cette voix, rapidement, porte.

AJOUT


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